12 February, 2011

Another beautiful text

Mathias Enard (2010) - Actes Sud
Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

La nuit ne communique pas avec le jour.

Elle y brûle.

On la porte au bûcher de l'aube.

Et avec elle, ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. Nous sommes un peuple de relégués, condamnés à mort ... ton corps dur reste accroché à ses certitudes, il éloigne le désir, refuse l'abandon. Je ne te blâme pas. Tu habites une autre prison, un monde de force et de courage ou tu penses pouvoir être porté en triomphe; tu crois obtenir la bienveillance des puissants, tu cherches la gloire et la fortune. Pourtant, lorsque la nuit arrive, tu trembles. Tu ne bois pas car tu as peur: tu sais que la brûlure de l'alcool te précipite dans la faiblesse, dans l'irrésistible besoin de retrouver des caresses, une tendresse disparue, le monde perdu de l'enfance, la satisfaction, le calme face à l'incertitude scintillante de l'obscurité.... en réalité, ce que tu souhaites sans le savoir, c'est la disparition de tes peurs, la guérison, l'union, le retour, l'oubli.

Cette puissance en toi te dévore dans la solitude.

Alors, tu souffres, perdu dans le crépuscule indéfini, un pied dans le jour et l'autre dans la nuit.


... (et plus loin) ...

Tu n'es pas venu jusqu'ici pour me connaître, tu es venu pour construire un pont, pour l'argent, pour dieu sait quelle autre raison, et tu repartiras identique, inchangé, vers ton destin. Si tu ne me touches pas, tu resteras le même. Tu n'auras rencontré personne. Enfermé dans ton monde, tu ne vois que des ombres, des formes incomplètes, des territoires à concquérir.

Chaque jour te pousse vers le suivant sans que tu ne saches l'habiter vraiment.

La vérité, c'est qu'il n'y a rien d'autre que la souffrance et que nous essayons d'oublier, dans des bras étrangers, que nous disparaîtrons bientôt.

04 February, 2011

Fred Vargas - Pars vite et reviens tard - (Book Extract) - I loved it !

Auteur: Fred Vargas
Book: Pars vite et reviens tard (2004)
Pages 6 & 7

Les types, à Paris, marchent beaucoup plus vite qu'au Guilvenec, Joss l'avait constaté depuis longtemps.

Ce lundi, Joss filait presqu'à trois noeuds et demi, s'efforçant de rattrapper un retard de vingt minutes. En raison du marc de café qui s'était déversé en totalité sur le sol de la cuisine.

Ça ne l'avait pas étonné. Joss avait compris depuis longtemps que les choses éaient douées d'une vie secrète et pernicieuse. De mémoire de breton, les choses étaient chargées à l'évidence d'une energie tout entière concentrée pour emmerder l'homme. La moindre faute de manipulation, parcqu'offrant à la chose une liberté soudaine, si minime fût-elle, annonçait une série de calamités en chaîne pouvant parcourir toute une gamme, du désagrément à la tragédie.

Le cas de ce matin avait procédé d'un enchainement complexe, amorcé par une bénigne erreur de lancer, entrainant fragilisation de la poubelle, affaissement latéral et épandage du filtre à café sur le sol. C'est ainsi que les choses, animées d'un esprit de vengeance légitimement puisé dans leur condition d'esclaves, parvenaient à leur tour par moments brefs mais intenses à soumettre l'homme à leur puissance larvée, à le faire se tordre et ramper comme un chien, n'épargnant ni femme, ni enfant.

Non, pour rien au monde Joss n'aurait accordé sa confiance aux choses, pas plus aux homes ou à la mer. Les premières vous prennent la raison, les seconds l'âme et la troisième la vie.

01 February, 2011

My metallic mirror

My most precious object I bring back from India is a present given to me: an Aranmula Kannadi, or metallic mirror from an ancient tradition.
This mirror is manufactured since medieval Dravidian times and was in vogue long before the appearance of today's silicon glass mirror.

It is a technological wonder !

In an ordinary mirror, the is a silver nitrate coating which reflects the light, thus presents the image of the object.

There is no silver coating in the metallic mirror.

Apparently, when you touch a piece of paper on the surface of an ordinary mirror, a gap appears between the object and image, whereas in the metallic mirror, there is a point of touching of two images and no gap between the images. Ah, ah !

The manufacturer says: the making of this mirror needs intuition, expertise, precision, lots of dedication and to be done in a sacred atmosphere.

I rejoice in the fact that people could take pride in their work so much that they can picture themselves in 'a sacred atmosphere', making their daily task all the more meaningful.

The mirror itself is sitting majestually in a red felted box; it is truly a beautifully hand-crafted object.

It also reminds me of how much I loved India's craftmanshift displayed humbly at every street's corner, from the stone sculptor of Mahabalipuram holding his sculpture between his feet, all the way to the Aranmula Metallic mirror makers.

It also reminds me of people of my life.